RéflexionsEntre deux moi

Entre deux moi

Je suis en voiture, la route file, et un vieux riff de Lynyrd Skynyrd tombe sur la radio. Tout de suite, ça me ramène ailleurs : des bières, des clopes, des rires, Laurent pas loin, la sensation d’être vivant parce qu’on est plusieurs à l’être en même temps. La musique réveille une version de moi que je connais bien. Et dans la même seconde, je me vois aujourd’hui : cinq ou six séances de sport par semaine, une hygiène de vie clean, une tête claire. Deux photos qui cohabitent dans le même cadre.

Je ne veux pas faire de Laurent une « mauvaise influence ». Ce serait malhonnête. Laurent, c’est la fraternité, la musique trop forte, les discussions qui traînent, la joie simple. Rien de toxique là-dedans, juste une époque, un contexte, des choix de groupe. On n’est pas obligé de coller des étiquettes « bien/mal » sur chaque souvenir pour avancer. J’ai aimé ces moments. Ils font partie de moi.

Aujourd’hui, j’ai basculé dans autre chose. J’ai choisi un mode de vie sain. Pas par posture, pas pour me fabriquer une image fitness. Parce que je suis à un moment charnière, une vraie bifurcation. Il y a des enjeux, des décisions lourdes. Pour ça, j’ai besoin d’une tête froide, d’un corps qui suit, d’un cadre qui me tient. Alors oui, je m’entraîne souvent, je mange mieux, je dors mieux. À d’autres périodes, ça m’aurait peut-être semblé « trop ». Aujourd’hui, c’est juste ce qu’il me faut.

La solitude m’aide à le voir. La solitude choisie, pas subie. Celle où tu coupes le bruit pour entendre ta propre voix. Quand je suis seul, je vois plus nettement ce qui est de moi et ce qui vient des autres. Ce n’est pas que l’influence des autres soit mauvaise — souvent, elle est belle. Mais elle floute les contours.

On me demande parfois : « Et ton vrai toi, c’est qui ? Le Nicolas qui levait des bières en chantant trop fort, ou celui qui enchaîne les séances et pèse ses choix ? » La vie n’est pas un concours de moralité. Le « vrai moi », ce n’est pas une statue figée. C’est ce que je choisis, là, maintenant, avec honnêteté. Parfois, ça ressemble à un extrême. Parfois, non.

J’ai pensé : « Est-ce que je ne remplace pas un excès par un autre ? » Peut-être un peu. La différence, c’est l’intention. Avant, je suivais le mouvement. Aujourd’hui, j’assume une discipline parce que j’en ai besoin, parce que j’ai des caps à tenir. Ce n’est pas une punition, c’est une aide. Ce cadre me rend plus présent et plus fiable.

La musique, elle, continue son travail. Je peux réécouter ces morceaux sans repartir dans les mêmes rails. Garder la bande-son sans reproduire le film. Je souris en pensant à Laurent : on peut aimer les mêmes chansons et mener une autre vie.

Au fond, cette « renaissance » n’est pas un rejet. C’est une mise à jour : garder le cœur du logiciel, changer quelques paramètres. Plus de clarté. Moins d’automatismes. Je ne dois rien prouver à personne, juste rester aligné avec ce que ce moment exige de moi. Aujourd’hui : bouger, respirer mieux, décider à tête reposée, couper ce qui m’embrume. Demain, on verra.

La solitude, c’est ma boussole. Elle ne donne pas la destination finale, mais elle m’indique le Nord quand la route se tord. Elle me rappelle que je ne suis pas obligé de rejouer les mêmes scènes, ni d’endosser un costume qui n’est plus à ma taille. Ce n’est pas de la rigidité ; c’est du soin.

Je n’oppose plus le passé au présent. Je les mets côte à côte. L’un m’a donné du lien. L’autre m’apporte de l’ancrage. Les deux me racontent. Mais aujourd’hui, si je dois choisir, je choisis la version de moi qui me porte, pas celle qui me pèse.

Si tu lis ces lignes et que ça te parle, je te souhaite ce petit moment de silence pour te demander : « Qu’est-ce qui est vraiment de moi, là, maintenant ? » Et s’il faut, pour un temps, serrer les boulons, se lever tôt, dire non à ce qui endort — fais-le. Ce n’est pas se priver. C’est se préparer.

La route continue. La chanson se termine. J’ouvre la fenêtre, l’air entre. Être soi, aujourd’hui : avancer léger, avec la musique que j’aime, mais la main fermement sur le volant.

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